20.2.12

Quand C. a prononcé le prénom de L., pas vu depuis plus d'un an et pour cause, je me suis senti me mettre à pleurer derrière ma tasse de thé levée in extremis pour cacher les larmes. Je pensais pourtant l'histoire réglée depuis longtemps, il faut croire que le froid, le vent, le café glauque du boulevard ont eu raison de ma dignité qui, même si j'y tiens beaucoup, n'existe plus trop je crois.
Les pages des livres se tournent difficilement et les séances de cinéma se font plus rares, même si. L'hiver traîne en longueur et je sais déjà qu'une fois arrivés au printemps il ne me manquera pas, la faute aux défections qui s'enchaînent et à la vie qui se traîne.
Pourtant, je me suis surprise à feuilleter les programmes en me demandant quoi proposer, à prononcer le même prénom dix fois par conversation, à des occasions qui se justifient plus ou moins. Je m'étais pourtant jurée de ne pas lever les yeux, de ne pas regarder, de ne surtout, surtout pas m'intéresser, trop dangereux. On ne sait jamais. Pourtant, devant la bouche de métro, mon cerveau a cessé de fonctionner et je n'ai rien, rien pu dire, pourtant je n'avais rien pensé d'indicible. Alors je me suis tue et j'ai descendu l'escalier, penaude.

23.1.12

En retirant une feuille de papier qui dépassait d'une étagère, c'est une lettre qui est venue. Une lettre pas oubliée et pourtant jamais relue, qui parle de tauromachie, d'écriture poétique, du théâtre et de son après. C'était l'époque germanopratine, celle où M. s'était matérialisé hors de ses livres jusque devant ma porte avant d'être renvoyé à son cher café de Flore parce que trop vieux et moi trop jeune. Parce que ça allait, les conneries, aussi. Moi qui déteste les souvenirs je ne les jette pourtant jamais, retombant parfois sur une photo, une lettre, parfois un livre offert qui me font me crisper quelques secondes quand je les vois. Les musiciens étant bien plus radin, j'en garde heureusement beaucoup moins de souvenirs.
Les nuits sont agitées et se finissent parfois accroupie près du lecteur de cd à écouter un disque au volume le plus bas possible pour ne gêner personne, ou enroulée dans la couette à lire un livre de Chloé Delaume. Il faudrait, pourtant, travailler, le mémoire prend du retard et la fatigue et le manque d'envie le dessus.
J'essaye de retrouver le sens de ce mot-là, l'envie, alors que je ne sors plus qu'en ronchonnant.

19.11.11

Quand je descends la rue des Saints-Pères pour reprendre le métro, mon cœur se serre toujours un peu au moment où je dépasse l'inscription sur le trottoir. Rejoins-moi vite. Je l'ai pensé, souvent, beaucoup, sans jamais osé le dire parce que la trouille, parce que pas le bon moment, parce que le train, et puis l'avion un peu aussi. Maintenant que je n'ai plus la possibilité de le dire je le pense encore plus, espérant des propriétés incantatoires cachées. Apparemment pas.
Alors je traverse Paris, j'achète un pain des amis que je ramène à la maison pour faire plaisir, aussi un peu parce que j'ai l'impression d'accomplir un acte hautement subversif en me baladant du pain à la main, moi qui n'en achète quasiment jamais. Je passe acheter un livre chez le libraire dont je suis secrètement un peu énamourée et que je n'ose même pas regarder dans les yeux quand je lui tends ce que je veux ramener chez moi, de peur de lire toute la désapprobation du monde dans son regard.
Je compte les jours qui me séparent des vacances de Noël, histoire d'avoir un prétexte pour rester au lit jusqu'à des heures indécentes, j'attends la sortie du prochain film d'Emmanuel Mouret, j'attends des jours meilleurs.

6.10.11

Dans le train qui m'emmenait dans le Sud pour quelques jours j'avais emmené Roland Barthes, les fragments du bon vieux Roland qui me disait que non je n'étais pas toute seule, que oui j'étais un peu ridicule.
Et puis le train m'a ramenée, il a fallu reposer Roland, et c'est en ouvrant le dernier livre d'Arnaud Cathrine plutôt qu'un livre de stylistique barbare que je me suis souvenu de toutes les résolutions que j'avais pu prendre épaulée par Barthes.
La surveillance accrue de l'écran de mon téléphone a remplacé celle de ma boîte mail, sans beaucoup plus de succès. On m'a dit tout, et son contraire, dans cette gare que je déteste tant j'y ai laissé les gens que j'aime, et je me demande encore pourquoi je réponds toujours avec toute la douceur du monde quand ma poche vibre à peine le train parti et que je lis quelque chose qui me fait de la peine, un dimanche soir rue des Ecoles.
J'en reviens toujours au même questionnement.
Est-il judicieux d'aller voir Le Vent de la nuit quand on est déjà un peu triste?
Faut-il vraiment relire Peter Brook avant d'entamer le Graham Greene de la table de nuit? 
Un être humain raisonnable en attendant-il un autre pendant quatre mois?
Le dernier Bonello vaut-il le déplacement?
Arriverais-je à mettre en pratique les leçons de Roland?
Dans tous les cas, la réponse est non.

14.9.11

Tous les matins j'ai un pincement au cœur en ouvrant ma boîte mail.
Tous les matins, une fois que j'ai constaté qu'elle est toujours vide, le pincement se fait la malle et laisse la place à une colère mâtinée de l'angoisse d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas.
Et puis je me prépare un thé avant de reprendre la lecture du dernier livre de Sylvain Tesson, en rêvassant à une cabane en Sibérie rien qu'à moi.
Et puis la boîte aux lettres, la vraie, pas celle de mon ordinateur, qui s'ouvre sur bien plus précieux qu'un message électronique alors que je n'attendais rien.
La rentrée universitaire qui approche fait s'éloigner le spectre de l'inactivité lourde et rapproche un peu plus chaque jour ceux qui sont partis si loin. J'hésite un peu à devenir complètement dingue, avant de décider que finalement, ça ne ferait pas très sérieux dans la dernière ligne droite. Alors je tente, je triture, je titube un peu mais je réessaye. Au sortir de La Guerre est déclarée je n'arrivais pas à arrêter de penser que si le film n'est pas mauvais, on reste loin du chef-d'œuvre acclamé dans une unanimité quasi nord-coréenne. La déception passée, et après avoir raté une marche, punie pour avoir voulu sortir avant la fin du générique, j'ai clopiné jusqu'à la librairie avant de ne pas acheter le reste de la bibliographie de Sylvain Tesson. J'avais déjà mon quota de déception pour la journée.

16.8.11

De la projection d'En ville, je ne retiendrai sans doute que le regard bleu de Stanislas Merhar qu'on ne voit que trop rarement au cinéma. 
De Melancholia, la nausée terrible causée par la caméra parkinsonienne, héritage du Dogme, et la facilité coupable dans laquelle se vautre Von Trier en voulant émouvoir les foules par du Wagner. Le malaise, aussi, d'assister au spectacle pathétique sans pouvoir sortir de ma rangée, cernée que j'étais par des spectateurs moins remontés que moi. Le renoncement, enfin, au plaisir mesquin que je ressens quand je quitte une salle en plein milieu de la projection dès que j'ai l'impression que le réalisateur se fout ostensiblement de la gueule de son public.
Au sortir du film, l'énervement était tel que le message que j'ai laissé sur un répondeur était probablement très embrouillé, tiraillé qu'il était entre l'exaspération causée coup sur coup par le film et la fin de Belle du Seigneur (complaisant comme le Lars à ses pires heures, mais c'est une autre histoire) et des questions aussi basiques que l'heure d'un rendez-vous à fixer.
Pour dissiper tout ça, il a fallu les efforts conjugués de plusieurs théières de thé vert, un goûter, comme un enfant, l'émission de webradio orchestrée par les Pastels et pourtant déjà écoutée plusieurs fois, une couverture et, enfin, le documentaire de John Lennon et Yoko Ono sur leur bed in de Montréal, miraculeusement posté sur youtube par Yoko Ono pour une semaine.
Enroulée dans ma couverture que je trimballe depuis tellement d'années qu'elle en est râpée de partout, parce que parfois j'aime bien faire souffreteux, j'essaye de me faire plaindre mais en règle générale ça ne marche jamais), j'ai regardé Lennon et Ono, tout mignons dans leur grand lit blanc, sans trop comprendre pourquoi la tendance ne s'était pas répandue. J'ai un peu eu envie d'aller m'installer dans une cabane en haut d'un arbre au fin fond de la campagne, sans Von Trier ni Belle du Seigneur mais avec les livres que je n'ai pas encore eu envie de jeter par la fenêtre, histoire qu'on me foute enfin la paix, histoire surtout d'oublier un certain avion qui a foutu un sacré bordel en ayant l'idée stupide de décoller il y a deux mois.
Et puis j'ai remis Alex Chilton.

6.8.11

Mon mauvais goût avéré pour les pois, qui fait que je suis définitivement la personne la plus identifiable sur l'internet.
L'été qui traîne décidément en longueur, moi ici et tous les autres ailleurs, et le même petit jeu que tous les ans: survivra au mois d'août, ou pas? (Un indice: généralement, la réponse est oui.)
Le train que j'ai failli prendre, ah non, oh si, mmmh, mouais, allez, quoi que, bon, ah bah trop tard. L'incapacité totale à prendre une décision, donc, et la trouille de l'engagement qui s'insinue même dans mes choix au café. Si je prends un Lapsang-Souchong, est-ce que ce n'est pas m'interdire la possibilité d'avoir envie de tous les autres thés de la planète?
(En vrai j'aurais voulu qu'on me supplie de monter dans ce putain de train. Échec cuisant, personne ne supplie jamais dans la vraie vie.)
Les heures passées à emmerder au téléphone ceux qui ont l'idée saugrenue de décrocher quand j'appelle, pour qu'on décide à ma place de ce que je dois faire quant à. Et ne jamais mettre en pratique. On ne sait jamais, ça pourrait marcher.
Les dialogues qui ne s'écrivent pas. La dynamique, bordel, la dynamique. Un peu comme dans la vie.
Il faut attendre encore un peu.